Lycée Henri 4

Classes préparatoires : la fabrique d’une jeunesse dominante

Les prépas socialisent les étudiants et leur apprennent à jouer leur futur rôle de dominants.
Note de lecture de Ugo Palheta, à propos du livre de Muriel Darmon.
À lire sur La Vie des Idées

Lire des extraits choisis, l’idée étant de vous donner envie de lire l’ensemble de ce texte…

Extraits choisis

Ces extraits sont nécessairement sortis de leur contexte du fait que je les présente ici hors du texte initial. Je ne peux que conseiller la lecture de ce texte.


On sait que le mythe de la méritocratie scolaire cache un processus de légitimation des inégalités. La promesse républicaine qui consiste à dire  « Si tu réussis bien à l’école tu auras un bon métier et l’ascenseur social fonctionnera pour toi » n’engage que ceux qui la croient encore, car mis à part quelques miraculés scolaires, il n’est plus à prouver que le système actuel ne vise pas une sélection et une circulation des élites, mais une reproduction sociale.

Cependant, dans ce processus, les classes prépas ont une place à part qu’il est intéressant d’étudier. Car, si, en pratique, seuls celles et ceux qui y étaient appelés par leur naissance ont accès à ces classes prépas, celles-ci ne sont pas pour autant indolores pour leurs étudiant-e-s.

Muriel Darmon, relayée par Ugo Palheta, montre comment « les prépas socialisent les étudiants et leur apprennent à jouer leur futur rôle de dominants ».

En effet, les classes prépas sont un des vecteurs qui permettent la création de l’esprit de classe entre les dominants. C’est une expérience collective que quasiment tous traversent, et qui va structurer durablement leurs valeurs et leurs perspectives communes. Les prépas sont un lieu de « sociogenèse des habitus » : on y intègre un certain nombre de façons de fonctionner, qui sont propres aux classes dominantes. La violence que les classes prépas exercent sur leurs étudiant-e-s (pour preuve le taux de suicide) vise à assurer leur remise de soi à l’univers préparationnaire, et par là à l’ensemble des modes de fonctionnement propres à la classe dominante. Un processus d' »individualisation concurrentielle » ainsi qu’un « idéal d’accomplissement personnel » pousse les élèves de prépas, « ces vainqueurs de la compétition éducative », à adopter les habitus qu’on attend d’eux.

Parmi ces habitus propres à la classe dominante et qui sont inculqués par les classes prépas, l’auteure note avant tout un « rapport spécifique au temps », fondé sur une « routinisation de la panique temporelle » et la « normalisation du sentiment d’impuissance ». Egalement un « floutage de la distinction entre travail et loisir » (alors que les classes populaires, elles, se distinguent par une rigoureuse coupure entre jeu et travail, et plus particulièrement entre temps libéré et temps scolaire).

Les classes prépas « préparent effectivement à accepter et même à apprécier les contraintes et le stress temporel, à ne pas « compter ses heures » lorsque l’urgence ou la situaiton l’exigent, à bannir, voire à honnir les temps vides ou la perte de temps, et à faire de l’usage ultrarationnalisé du temps la pierre de touche de l’excellence et de la fierté professionnelles ».

Mais, tous le savent, et avant tout les parents qui poussent leurs chérubins dans cette voie : le passage par la classe prépa est difficilement contournable pour devenir un dominant légitime. Et l’idéologie conservatrice de la promotion individuelle par l’Ecole sert ce processus de légitimation.

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