Hirondelles Liberté

« Tuez si ça vous plaît toutes les hirondelles, vous n’empêcherez pas le printemps de venir »

Les saisons

Un poème du poète libertaire Gaston Couté (1880-1911), pour commencer cette année 2021.

Retrouvez les mots de Gaston Couté dans le livre de l’ami précieux Paul Masson

L’illustration de cet article est (maladroitement) extraite d’une affiche d’Alternative Libertaire défendant la liberté de circulation et d’installation : « Les frontières assassinent ».

Printemps

Le printemps va bientôt naître. Les hirondelles
Pour que l’azur s’en vienne égayer son berceau
Fendent le crêpe du brouillard à grands coups
Prestes et nets ainsi que des coups de ciseaux.

Des rustres stupides et des corbeaux voraces
Qui s’engraissaient parmi les horreurs de l’hiver
En voyant les oiseaux d’espoir traverser l’air
Se liguent aussitôt pour leur donner la chasse.

Les hirondelles agonisent en des cages,
Leur aile saigne sous la serre des corbeaux,
Mais parmi l’azur qui crève enfin les nuages
Voici l’Avril ! Voici le printemps jeune et beau.

Ô gouvernants bourgeois à la poigne cruelle
Emprisonnez les gens, faites en des martyrs,
Tuez si ça vous plaît toutes les hirondelles,
Vous n’empêcherez pas le printemps de venir.

Été

Pour emblaver ces champs, quelques sas ont suffi
Ils n’ont jeté que quelques poignées de semence
Mais le miracle blond de l’Été s’accomplit
Cent faucheurs sont penchés sur la moisson immense.

De chaque grain tombé dans la nuit du sillon
Un bel épi s’est élancé vers la lumière
Et nul ne peut, sous le vol bleu des faucillons
Compter tous les épis de la récolte entière.

Ô vous, plus isolés encor que les semeurs
Qui sont passés dans la plaine au temps des emblaves,
En la nuit des cerveaux et l’intensité des cœurs
Jetez votre bon grain sur le champ des Esclaves.

Fiers semeurs de l’Ida, jetez votre bon grain.
il dormira comme le blé dort dans la terre.
Mais innombrable, aux beaux jours de l’Été prochain,
Votre moisson resplendira dans la lumière

Automne

Comme un monde qui meurt écrasé sous son Or,
La Forêt automnale en son faste agonise
Et ses feuilles, comme les pièces d’un trésor,
S’amoncellent sous le râteau fou de la bise.

Parmi la langueur des sous-bois, on sent flotter
La même odeur de lente mort et de luxure
Qui vous accable au cœur des trop riches cités :
Tout l’Or de la Forêt s’exhale en pourriture !

Mais nous savons que de l’amas de ce fumier
Doit fleurir, en l’élan de la sève prochaine,
La gaieté des coucous, la grâce des aubiers,
La douceur de la mousse et la beauté des chênes.

Notre Société ressemble à la Forêt,
Nous sommes en Novembre, et l’Automne est en elle.
Ô fumier d’aujourd’hui ! plus ton lit est épais
Plus l’Avril sera vert dans la Forêt nouvelle !

Hiver

Tristes, mornes, muets, voûtés comme une échine
De malheureux tâcherons , les vieux monts ont l’air
D’un peuple d’ouvriers sur un chemin d’usine,
Et leur long défilé semble entrer dans l’hiver.

En un effeuillement lent de pétales sombres
La neige tombe comme tombe la Douleur
Et la Misère sur le dos des travailleurs.
La neige tombe sur les monts. La neige tombe.

Emprisonnant leur flanc, écrasant leur sommet,
Sous un suaire dont la froideur s’accumule
Encor ! Toujours ! plus fort ! la neige tombe. Mais
Au simple bruit d’un pas heurtant le crépuscule,

Les vieux monts impassibles travaillent soudain
Et leur révolte gronde en avalanche blanche
Qui renverse et qui brise tout sur son chemin…
Sur notre monde un jour, quelle horrible avalanche !

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