Bourse du travail

Syndicalisme de classe & action collective émancipatrice en Union locale

Le syndicalisme-révolutionnaire est le courant fondateur de la CGT, qui s’est créée en 1902 par la fusion entre la Fédération nationale des syndicats et la Fédération des Bourses du travail (dont le secrétaire général était l’anarchiste Fernand Pelloutier). Ce regroupement a entraîné la double structuration syndicale telle qu’elle existe encore aujourd’hui, croisant une structuration en unions locales et départementales, parallèle à une structuration par industries (ou par entreprise). La Charte d’Amiens quant à elle a été adoptée en 1906 par le 9e congrès de la CGT, sous l’influence de ces courants syndicalistes-révolutionnaires. Elle définit le principe
d’autonomie du syndicalisme ainsi que celui de la double-besogne.

Les Bourses du travail de Fernand Pelloutier étaient le cadre de pratiques militant-es d’éducation populaire ambitieuses et dynamiques. Aujourd’hui, les syndicalistes-révolutionnaires continuent de défendre et de mettre en œuvre ces pratiques, notamment dans le cadre des Unions locales et départementales, qui sont les héritières des Bourses du travail.

Les CSR, Comités Syndicalistes Révolutionnaires, regroupent des militant-es syndicalistes révolutionnaires. Leurs textes permettent de mieux comprendre ce qu’est le syndicalisme révolutionnaire. La brochure « Construire et animer une Union locale », réalisée en 2010 par des militant-es des CSR, est extrêmement intéressante à ce sujet, et permet de voir le lien direct et fondamental qui existe entre les pratiques et philosophies du syndicalisme-révolutionnaire et de l’éducation populaire. Cette brochure vise à défendre une conception de l’Union locale (UL) comme un cadre de pratiques collectives interprofessionnelles de lutte et d’éducation populaire. Ces pratiques ont également beaucoup en commun avec les principes qui sous-tendent les principes du community-organizing étatsunien. Le côté « éducation populaire » se retrouve surtout dans la fin de la brochure, mais l’ensemble de celle-ci invite à adopter des postures militantes qui sont celles de l’éducation populaire : lutter contre la séparation entre celleux qui pensent, celleux qui font, celleux qui décident, c’est-à-dire lutter contre notre tendance à reproduire la division sociale du travail et la délégation de pouvoir, socles des logiques capitalistes et bourgeoises, afin de construire ensemble, dès aujourd’hui dans nos pratiques et donc avant tout dans nos organisations, notre émancipation. Les CSR se présentent en fin de brochure (à retrouver à la fin du présent article).

Les extraits que je propose ci-dessous sont une sélection des contenus qui m’ont particulièrement intéressés (et il y en a beaucoup). Ces extraits sont nécessairement sortis de leur contexte : si certains points ci-dessous vous intéressent ou vous interrogent, je vous invite à vous référer au texte complet.
Les sous-titres et les mises en exergue (en italique et en gros) sont de mon fait, et proposent une grille de lecture qui se veut complémentaire à la titraille d’origine (en gras et en gros).

La brochure peut être demandée en écrivant à syndicalistes@gmail.com. A priori elle n’est plus disponible sur le site des CSR, mais peut-être le sera-t-elle bientôt à nouveau, et dans tous les cas il y a de nombreux textes très intéressants à y découvrir pour nourrir nos pratiques et réflexions.


Contenus de cette brochure

  • Présentation (p.5)
  • 1/ La place des Unions locales dans les confédérations (p.6)
  • 2/ La coordination des sections et des syndicats dans l’UL (p.7)
  • 3/ Section syndicale ou syndicat d’entreprise ? (p.9)
  • 4/ L’appui apporté aux sections (p.12)
  • 5/ Les terrains d’intervention (p.15)
  • 6/ Propagande et implantation (p.25)
  • 7/ La coordination entre les UL (p.27)
  • 8/ L’intervention collective sur le terrain juridique (p.30)
  • 9/ La formation syndicale (p.36)
  • Qui sont les CSR ? (p.41)

CONSTRUIRE ET ANIMER UNE UNION LOCALE – Brochure des CSR

1/ La place des Unions locales dans les confédérations

La situation des UL dans les différents syndicats de lutte

Actuellement [en 2010], il existerait 700 Unions locales de la CGT. Mais beaucoup d’entre elles sont en crise, alors qu’il ne manquerait qu’un ou deux militant-es pour les faire revivre. Dans la plupart des cas, les UL reposent sur une équipe militante réduite, repliée sur elle-même. Cette situation précaire rend difficile une réflexion des militant-es sur la stratégie de construction de l’UL, qui suppose de prendre un peu de recul sur l’activité quotidienne. Cela contribue beaucoup à l’état de crise de traversent la plupart des UL et a perte de l’expérience acquise depuis la première Bourse du Travail de 1887.

Dans FO, malgré les références constantes au fédéralisme, la structure reproduit le fonctionnement des institutions bourgeoises avec des « organes exécutifs » qui sont plus dirigeants qu’exécutifs. Cela s’explique par le fonctionnement départemental, lié à la faiblesse numérique des militant-es volontaires pour s’investir dans l’interpro. De plus, les syndicats de base ne participent pour ainsi dire pas à la vie interprofessionnelle et les UL, quand elles existent, voient leur activité concentrée entre les mains d’un ou deux spécialistes.

Dans Solidaires, l’influence exercée par l’altermondialisme fait que cette Union a perdu une grande partie de ses références de classe. Les « groupes » locaux développent rarement un travail interprofessionnel. Dans la plupart des cas, le soutien apporté à une multitude de collectifs sectoriels, sans contenu de classe, fait office « d’activité interprofessionnelle ». En dehors des temps forts, les syndicats de brache ou de boîte ne se coordonnent pas et ne s’aident pas les uns les autres.

Dans la CNT, les tentatives de faire vivre les UL prennent le plus souvent la forme d’un groupe d’agitation politique du fait de la faiblesse numérique des adhérent-es et du recrutement affinitaire et philosophique plus que syndicaliste.

Cet état de crise explique que la culture interprofessionnelle, support du syndicalisme de classe, ait été globalement perdue. Cette brochure va donc tenter de redéfinir un certain nombre d’éléments et de proposer des méthodes de travail interpro qui plongent leurs racines dans l’expérience des Bourses du travail.

2/ La coordination des sections et des syndicats dans l’Union locale

Proposition de marche à suivre pour relancer une UL

En peu de temps, avec 2 ou 3 militant-es formé-es, il est tout à fait possible de relancer une dynamique interprofessionnelle sur une localité.
1/ Reprendre contact avec l’ensemble des bases (sections et syndicats) présents sur la zone d’intervention de l’Union locale.
2/ Annoncer que des permanences seront organisées afin d’accueillir les travailleurs-euses désireuses de se syndiquer, mais aussi pour appuyer les bases qui le désirent.
3/ Après quelques semaines, organisation d’un congrès extraordinaire. Faire se rencontrer des militant-es de plusieurs syndicats et sections et de discuter de l’interpro. Redéfinir ce qu’est supposée être la CGT : une organisation de classe, c’est à dire interprofessionnelle.

Le problème avec les syndicats d’entreprises…

La CGT est depuis 50 ans organisée autour de syndicats d’entreprises. Ce cloisonnement a entraîné le développement d’une pratique syndicale corporatiste. Ainsi, les syndicats des grosses entreprises qui sont les seuls à avoir survécu à la vague de désyndicalisation des 30 dernières années, ne voient pas la nécessité de la solidarité interprofessionnelle.

Comme on pouvait s’y attendre, le syndicats d’entreprises (les grosses) et des services publics ne durent pas intéressés pour donner des moyens militants au Bureau de l’UL. Pourtant, c’était eux qui disposaient massivement de décharges et d’heures de délégation syndicale. Le Bureau a donc reposé sur les travailleurs-euses des petites entreprises et sur des retraité-es, les plus intéressé-es par l’UL, les plus conscient-es du rôle déterminant de l’interpro.

3/ Section syndicale ou syndicat d’entreprise ?

3.1/ La stratégie social-démocrate

Elle s’appuie sur le modèle du syndicat d’entreprise. Ce modèle est soutenu par la direction confédérale actuelle [2010] qui ne voit dans les UL qu’un outil de syndicalisation afin de multiplier les bases, en les organisant ensuite sur un schéma vertical et cloisonné.

3 dérives possibles :

  • L’inactivité. La direction de l’Union syndicale est vite coupée des syndicats de base qui se rencontrent rarement et au mieux sous la forme d’une réunion de militant-es. Les résultats sont vite visibles. Disposant de très peu de militant-es et d’une faible expérience ainsi que d’un rapport de force défavorable face au patron, les syndicats d’entreprises se voient vite attaqués. Quand les militant-es ne sont pas la cible de pratiques de répression violente, iels sont au minimum contraint-es de se replier sur une activité défensive. Et quand l’UL ne suit pas les syndicats, il est très courant que les militant-es se démotivent et n’osent pas avouer ce qu’iels subissent au quotidien comme répression au sein de leur entreprise. Iels ont alors tendance à se percevoir, ce qui est courant pour toute victime, comme responsables de leur échec. Iels vivent très mal la chose mais n’arrivent pas à sortir de cette situation d’auto-culpabilisation.
  • Se modérer pour finir par devenir un syndicat d’accompagnement, voire un syndicat jaune qui aura tout intérêt à communiquer le moins possible avec l’UL ou l’Union syndicale.
  • Faire croire qu’il existe de véritables syndicats d’industries nommés « syndicat local » (par exemple dans la Construction). (…) Les réunions tiennent office de coordination entre les boîtes pour, par exemple, diffuser les informations fédérales de type « journées d’action », de préparer les réunions paritaires ou de discuter des congrès. Ces réunions se substituent donc aux réunions décisionnelles et démocratiques dans lesquelles les syndiqué-es devraient pouvoir se réunir afin de décider collectivement de l’action et des orientations de leur syndicat de base.
3.2/ La stratégie du syndicalisme de classe

Issue de l’expérience des Bourses du Travail.

Article 14 des statuts de la Confédération, qui définit le rôle des UL : « (…) L’Union locale impulse et coordonne l’activité de la CGT dans son secteur (…) elle développe les solidarités entre tou-tes les salarié-es (…) elle contribue à la création et au développement d’organisations syndicales nouvelles parmi les salarié-es ».

Le syndicalisme de classe : non pas un syndicalisme d’entreprise, mais un syndicalisme d’industrie

Le syndicalisme de classe consiste à s’organiser au sein d’un syndicat d’industrie dans un cadre départemental ou de zone. Concrètement, la nouvelle section adhère à la fois à l’UL et à son syndicat d’industrie, comme cela était le cas avec les statuts historiques de la CGT en 1902.

L’UL en soutien aux sections syndicales

  • Ainsi, la section peut bénéficier d’aide matérielle et militante de la part de l’UL. Et cela est énorme lorsqu’il fait partir de rien dans une entreprise, avec le plus souvent des syndiqué-es sans expérience.
  • De plus, toute l’énergie est consacrée à l’implantation.
  • Et ce qui est fondamental, c’est qu’immédiatement les nouveaux et nouvelles syndiqué-es soient intégré-es dans une dynamique à la fois interprofessionnelle et de branche. Cela ouvre tout de suite des débouchés globaux anti-capitalistes. Il ne s’agit pas de mener la bataille dans le cadre étroit d’une entreprise avec toutes les dérives qui vont avec : adhésion à la culture d’entreprise, intégration à la logique de marché et de concurrence entre les boîtes, négociations de boîte… C’est à dire sur le terrain du syndicalisme d’accompagnement.

4/ L’appui apporté aux sections

Prendre ensemble dès le début des bonnes habitudes de fonctionnement (car il est difficile de se défaire des mauvaises habitudes…)

Si les nouveaux et nouvelles syndiqué-es prennent l’habitude de participer à un fonctionnement interprofessionnel, iels reproduiront ensuite ce fonctionnement. Cela deviendra leur référence militante.

Casser la vision bourgeoise du militantisme, qui se limiterait à des spécialistes, une avant-garde, qui militeraient sur leur temps de délégation (donc pendant le temps de travail)

Parmi les personnes qui appuient la nouvelle section, certains le font en dehors de leur temps de délégation. C’est l’occasion de casser la vision bourgeoise du militantisme : un militantisme qui se limiterait à des spécialiste, à une avant-garde.

Énormément de travailleurs-travailleuses n’ont pas de droit syndical, et ne peuvent militer qu’en-dehors de leur temps de travail

Le droit syndical n’est qu’un appui matériel gagné sur le patronat, mais cela ne doit pas être un frein à l’action collective. En effet, une multitude de travailleurs-euses soit est employée dans des boîtes de 11 salarié-es, soit est au chômage, iels n’ont donc aucun droit syndical. Cela implique que l’activité syndicale (réunions à l’UL, permanences le soir…) se fait aussi en-dehors des heures de travail. C’est cela le militantisme !

Le soutien aux camarades : une solidarité, une entraide, pas un service rendu en échange d’une cotisation

Dans la même logique, le soutien apporté à de nouveaux et nouvelles camarades ne doit pas être perçu comme une activité professionnelle, comme un service marchand (les cotisations étant la rémunération d’un service rendu).
La cotisation est la concrétisation de la solidarité ouvrière.

La nécessité de la solidarité ouvrière

Faire prendre conscience de l’élément fondamental que représente l’entraide.
Solidarité ouvrière de base.
Cette solidarité ouvrière est la seule façon de tenir face à la toute puissance de la bourgeoisie.

Faire de l’UL un lieu de sociabilité où on se sent bien, et où peuvent avoir lieu des rencontres et des discussions informelles

Que la première réunion de la section syndicale ait lieu à l’Union locale afin d’habituer les nouveaux et nouvelles adhérent-es à venir dans ce lieu. L’objectif est aussi de protéger les syndiqué-es.
Les syndiqué-es doivent s’y sentir chez elles et chez eux.
L’UL doit être présentée comme un lieu de vie sociale. En-dehors des lieux de réunion, il est important d’y créer, en fonction des capacités de superficie, un endroit convivial (une salle destinée à l’accueil, au café…) où les syndiqué-es pourront se rencontrer et discuter spontanément.

Bien souvent, les informations circulent à l’occasion de discussions informelles qui permettent de faire tomber les préjugés que les médias bourgeoise nous engrainent (fainéantise des chômeurs et chômeuses, des jeunes, des fonctionnaires, privilèges supposés de telle profession…).

L’entraide : pour s’entraider + pour développer une culture ouvrière et une pratique de gestion collective + pour s’organiser en-dehors des périodes de grandes luttes

Les activités d’entraide (secours mutuel, soutien scolaire et alphabétisation, activités sportives et culturelles…) sont indispensables pour recréer une culture ouvrière et une pratique de gestion collective.

Ceci peut être perçu comme un élément secondaire pour le syndicalisme, alors que c’est en fait l’élément qui lui a permis de se confédérer et de s’organiser sur une base collective face au patronat.
Rappelons que les Bourses du Travail étaient avant tout des lieux d’entre-aide ouvrière. Ce sont ces activités qui ont permis aux travailleurs et travailleuses de s’organiser de façon permanente en-dehors des périodes de grandes luttes (grèves locales ou nationales).

5/ Les terrains d’intervention

Ne pas reproduire le fonctionnement social-démocrate : ne pas saucissonner, ne pas spécialiser, mais favoriser le lien et le politique

La tentation à éviter est de reproduire le schéma d’organisation propre à la sociale-démocratie : c’est à dire saucissonner le fonctionnement de l’UL en structures cloisonnées : syndicats d’entreprises, syndicats de chômeurs et chômeuses, syndicats de travailleurs et travailleuses immigré-es ou de précaires (dans le nettoyage, le bâtiment, la restauration…)

5.1/ Organiser les privé-es d’emploi

Les syndicats doivent directement syndiquer les chômeurs et leurs chômeuses, sinon les syndicats ne développent pas de réflexion sur le chômage et ne s’investissent pas sur ce terrain (Pôle Emploi, emplois précaires…).

Dans les Bourses du travail, tous les syndicats devraient s’investir dans l’organisation des chômeurs et des chômeuses, sous une base interprofessionnelle mais aussi professionnelle (entre autre avec un bureau de placement).
Syndiquer les chômeurs et chômeuses dans leur syndicat d’industrie n’empêche pas de créer une commission de privé-es d’emploi afin d’aborder les problèmes spécifiques à leur situation (infos et défense des droits à l’assurance-chômage…).

Plus qu’une logique de prise en charge individuelle, il s’agit bien de dispositifs d’entraide.

Ne pas isoler, les travailleurs et travailleuses qui subissent une exploitation et/ou une oppression spécifique, mais créer des commissions inter-syndicats de branche afin de travailler ces questions sans les isoler.

L’organisation doit être la même pour toutes les questions spécifiques, propres à certains secteurs du salariat : immigration, salariat féminin, jeunesse ouvrière (en apprentissage, AFPA, CFA, formation professionnelle, lycées…), retraité-es… Les travaux de ces commissions doivent alimenter les pratiques syndicales de chaque secteur professionnel.

5.2 / Les revendications salariales

Les négociations salariales annuelles et plus largement les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) sont aussi l’occasion de coordonner les sections syndicales sur une plateforme revendicative unifiée. Ce travail en commun doit se faire en priorité entre sections d’une même branche professionnelle afin d’aller vers le syndicat d’industrie. Mais, concrètement, c’est aussi un moyen de s’appuyer sur les acquis déjà gagnés sur certaines entreprises pour les étendre sur d’autres.

5.3/ La santé au travail
5.4 / Le logement

Tentation de confier la gestion du 1% patronal au patron, qui en profite pour renforcer les pratiques clientélistes et paternalistes.

Un travail de l’UL sur cette question peut aussi servir de déclencheur à une intervention collective sur les questions de logement dans la commune.

L’action collective contre le clientélisme (y compris en interne)

Quoiqu’il en soit, on veillera particulièrement sur cette question à bien entretenir le caractère collectif de l’action en direction du logement. Car l’attitude clientéliste est une menace, avec le risque de voir la personne devenue bénéficiaire disparaître dès son problème réglé.

5.5/ Alphabétisation et immigration

La mise en place d’un cours d’alphabétisation pour adultes constitue un vrai défi et une expérience d’une grande richesse militante.

5.6/ Antisyndicalisme

Faire vivre une commission permanente consacrée à cette question.
Créer une caisse de solidarité.

5.7/ Droits du consommateur – de la consommatrice

Association INDECOSA (information et défense du consommateur salarié), crée en 1979, et qui comprend de droit tou-tes les adhérent-es de la CGT.

Comment penser la question de la consommation dans une perspective de classe… ?

Il n’y a pas vraiment d’histoire ni de réflexion sur ce que serait une pratique et une éducation du ou de la salarié-e consommateur-consommatrice dans une perspective de classe.

Certaines UL ont pris l’initiative de créer une AMAP, ravivant ainsi la tradition des coopératives d’achat telles qu’il en existait il y a un siècle.
Être vigilant : une coopérative d’achat dans une UL (ou dans une Bourse du travail) n’a pas à être un magasin mais doit être clairement un espace de solidarité et d’une façon de consommer différente.
Le risque de n’attirer que les classes moyennes intellectuelles attirées par un petit marché bio est important.

5.8/ Solidarité, actions associative et L’Avenir Social

L’association L’Avenir Social (association historique de solidarité interne à la CGT) garde un contenu et des objectifs assez larges avec parfois quelques actions proches des bonnes oeuvres : un peu d’action sociale, d’aide aux loisirs, aux vacances des démuni-es, de la solidarité internationale, un tas de chaussures en Afrique du Sud à fonction à la fois symbolique et concrète, des allocations aux camarades sinistré-es en France, soutien scolaire, action sanitaire au Salvador, au Sénégal et soutien au Peuple Saharaoui, etc.

Un véritable outil de lutte associatif n’est pas du tout superflu à la CGT.

Dans le contexte actuel d’une scolarité de plus en plus excluante (et en premier lieu pour les enfants de la classe ouvrière), soumise comme tous les services publics aux objectifs chiffrés et répondant aux critères de la réussite et de la concurrence bourgeoise, un espace de solidarité, d’acquisition de savoir, de mise en commun de ressources au profit des enfants est très pertinent.

L’importance des pratiques de sociabilité et de solidarité pour développer une culture de classe émancipatrice

La mise en place d’activité de sociabilité entre militant-es n’est pas à traiter avec légèreté.

Une aide aux devoirs devra porter l’accent sur la mise en commun et la solidarité. Il ne s’agit pas de reproduire les normes de la société bourgeoise.

La notion de solidarité ouvrière n’est pas un principe spirituel ou abstrait mais un principe se transformant en décision concrète qui peut s’appliquer efficacement.

5.9/ Sport Ouvrier

La FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail)

La question des valeurs véhiculées par le sport et la propagande immense qui l’accompagne aujourd’hui.
Le sport est bien un liant social de la classe ouvrière et donc un outil de sociabilité essentiel.

Avoir une activité associative de classe, plutôt que dans des associations sans objectifs politiques et le plus souvent d’orientation bourgeoise

C’est un moyen pour des militant-es cégétistes de se consacrer à une activité associative intégrée à leur lutte militante plutôt qu’externalisée et mise au profit d’organisations sans objectif politique, sans position de classe et souvent d’orientation bourgeoise.

6/ Propagande et implantation

Le renforcement d’une UL passe, comme nous l’avons vu, par sa réorganisation et la stabilisation de ses bases. Dans une seconde phase, il est possible de se lancer dans une politique d’implantation et de propagande.

Il y a les méthodes traditionnelles, le tractage et le collage d’affiches.
L’élaboration d’un petit bulletin local est peut-être plus intéressant. (…) Il servira de vitrine pour l’UL afin de montrer à des salarié-es isolé-es ce qu’un syndicat peut faire concrètement au-delà du simple tract revendicatif.

Faire connaître l’activité de l’UL.
Information qu’il est possible de monter une section syndicale et une liste pour les élections DP-CE.

Ce paragraphe parle d’informer, de diffuser. Or il faudrait surtout passer du temps à aller vers les gens pour aller discuter avec eux, et non pas pour qu’ils nous écoutent débiter nos discours. En pratique c’est évidemment le cas, mais ça va mieux en le disant.

Dans le cadre de la construction d’une section syndicale, il est indispensable que la première diffusion de tracts soit organisée sur une base collective et interprofessionnelle, afin de bien montrer aux salarié-es et au patron que toute l’UL est derrière le-la délégué-e syndical-e et que la lutte est bel et bien collective.

Une victoire pour commencer et se donner du courage

Pour mettre en confiance les candidat-es éventuel-les à la délégation du personnel (DP), il est préférable d’avoir auparavant remporté une première victoire. C’est pourquoi, avant même d’avoir désigné son-sa délégué-e syndical-e (DS), l’UL doit avoir étudié un angle d’attaque, avoir repéré un élément important du droit (Code du travail ou Convention collective) concernant tou-tes les salarié-es. Un élément qui n’est pas respecté par le patron et qu’il sera facile de faire respecter. Ce sera le premier combat de la section syndicale, mené le plus souvent par un-e militant-e apparemment isolé-e dans l’entreprise. Cette victoire sera l’occasion de motiver d’autres travailleurs-travailleuses pour s’engager dans la construction de la section, puis dans la présentation d’une liste aux DP, voire au CE (Comité d’Entreprise).

7/ La coordination entre les UL

Le schéma fédéraliste du syndicalisme révolutionnaire contre la centralisation bourgeoise et sociale-démocrate

Dans le schéma fédéraliste de la CGT, les Unions départementales (UD) ont été créées afin d’appuyer le travail de coordination et de construction des UL (Bourses du travail). Ce n’est qu’en 1918 que la direction confédérale (composée alors de sociaux-démocrates) a tenté d’imposer un fonctionnement plus centraliste, la direction de l’UD se transformant en petite « préfecture ». Ce modèle centralisé, calqué sur le fonctionnement des institutions bourgeoises, a essayé de remettre en cause l’autonomie des UL.

Des allers-retours incessants entre structuration locale et structuration de branche

Le syndicat d’industrie est aussi un instrument qui aide à la coordination des UL. Des militant-es d’un même syndicat, présent-es dans des UL différentes, profitent de leur réunion de syndicat de branche pour se rencontrer et collectiviser la lutte interprofessionnelle sur le département. C’est donc un lien automatique et direct entre les UL même s’il n’est pas formalisé.

Rappelons que le syndicalisme s’est construit à partir des sociétés de secours mutuel (sociétés d’entraide pour affronter des périodes de difficultés matérielles : chômage, grève, maladie, accident, décès…).

Les UD rassemblent en théorie l’ensemble des mandaté-es (CAF, CPAM, CARSAT, URSSAF, Pôle emploi, OPHLM, mutuelles…)
Exiger des compte-rendus de mandats. C’est le minimum.

8/ L’intervention collective sur le terrain juridique

La lutte sur le terrain juridique fait partie de l’activité syndicale. Les droits que le syndicalisme fait respecter ont été gagnés par l’action collective et ne peuvent être défendus que par l’action collective. Faire comprendre cela aux travailleurs et travailleuses doit être le principal axe de l’action juridique dans les UL.

Le premier constat est que le rapport de force étant défavorable, nous nous battons pour défendre des droits et non pour en gagner de nouveaux.

Essayer de ne pas séparer les questions juridiques de l’action collective

Le recours juridique ne pourra jamais remplacer l’action collective.
Sinon l’action juridique fabrique des assisté-es et des consommateurs-consommatrices d’un service contre sa rétribution (via la cotisation). On reproduit alors le fonctionnement de la bourgeoisie (spécialistes-clients).

Le second constat qui découle du premier, c’est que de nombreuses UL ne dont en fait principalement que des permanences juridiques. On ne construit pas de conscience de classe comme cela.

Posture militante d’accompagnement : faire est l’occasion de se former et de s’émanciper, ne faisons pas à la place de, accompagnons à faire. Déconstruisons nos réflexes de division sociale entre dirigeants et dirigé-es : c’est un faux gagne-temps que de faire à la place.

Les militant-es qui assurent les permanences sont tenté-es d’aller droit à l’essentiel afin de gagner du temps. On finit donc par sacrifier ce qui fait pourtant tout l’intérêt de l’activité syndicale : développer la conscience de classe et les capacités de lutte des salarié-es.
Il est indispensable d’expliquer que cette lutte s’intègre à une lutte plus globale, et que si tou-tes les travailleurs-travailleuses étaient syndiqué-es, il n’y aurait pas besoin de perdre du temps aux prud’hommes pour des résultats souvent très aléatoires.

Il est aussi indispensable que le-la salarié-e prenne en charge un maximum de démarches afin de ne pas reproduire la division sociale capitaliste opposant les dirigeant-es et les dirigé-es. Il doit donc gérer son dossier juridique avec l’aide de l’UL. La constitution de ce dossier est l’occasion pour le-la salarié-é de prendre connaissance de certains éléments du droit du travail et de comprendre la façon dont il évolue.
Travail d’éducation syndicale.
Ne pas renforcer la mentalité d’assisté-e et de dominé-e.

Quelques propositions concrètes qui permettent de placer l’action juridique de l’UL sur le terrain de l’action syndicale interprofessionnelle :

8.1/ Établir des règles de fonctionnement par un congrès de l’UL
8.2/ La formation juridique

Est-ce que le patron a le droit de faire ceci ou cela ? Est-ce que j’ai, moi, le droit de le faire ? Où trouver les textes ? Il faut bien entendu apporter des réponses techniques à toutes ces questions. Mais tout cela montre que la situation actuelle du rapport de forces pèse sur le réflexe « juridique » avant l’action collective. Il y a donc nécessité de faire comprendre que le droit s’acquiert sur le terrain par le rapport de forces. Mais faire respecter le droit, c’est aussi le rapport de forces ! Tout cela est lié.

Utiliser l’envie de se former sur les questions juridiques pour créer du collectif.

Utiliser cette envie d’avoir des arguments juridiques de la part de nombreux-ses militant-es, élu-es et travailleurs-euses syndiqué-es ou pas, afin de collectiviser ces connaissances et créer des réflexes de lutte.

Mettre en place des sessions de formation sur une journée ou demi-journées. Le souci est de les ouvrir à tout-e syndiqué-e.

Illustrer si possible par des cas concrets réels, qui peuvent être exposés et donner lieu à mobilisation / action collective pour régler le problème plutôt que de passer par les tribunaux !

8.3/ Le bulletin de l’UL
8.4/ La permanence juridique de l’UL
8.5/ La commission juridique

Vue l’importance que prend ou qu’a tendance à prendre le juridique dans une UL, tendance qu’il faut combattre… tout en répondant à la nécessité de défendre les droits gagnés : une commission juridique doit être mise en place.

9/ La formation syndicale

Dans le secteur public, l’accès aux congés de formation est relativement facile. Tel n’est pas le cas dans le privé où ce droit est pour ainsi dire limité aux élu-es du personnel (financement et répression des adhérent-es sans protection).

9.1/ Généraliser la formation

Qu’est-ce qu’une bonne formation ?

Tout-e syndiqué-e doit pouvoir bénéficier d’une « formation d’accueil » dans son UL.
Une intégration dans le cadre d’une expérience vivante où le-la syndiqué-e pourra discuter tranquillement et librement avec d’autres camarades.
Une petite formation expliquant rapidement le fonctionnement de la confédération, les droits du-de la syndiqué-e, mais aussi la façon pour elle ou lui de participer immédiatement à la vie collective de l’organisation.

Organiser cette formation d’accueil le samedi matin. Le syndicalisme se pratique aussi en-dehors du temps de travail, ce n’est ni un métier ni une carrière réservée à des spécialistes. Le syndicalisme peut être quelque chose de convivial, un moment de sociabilité.

Tâcher de ne pas déconnecter les connaissances de leur utilisation et leur finalité, c’est-à-dire des questions stratégiques.

Deux dérives :

  • La formation technocratique, dans laquelle un-e technicien-ne vient nous noyer dans un discours ultra-spécialisé, en faisant rarement le lien avec la pratique de terrain. Cela tient le plus souvent au fait que le formateur ou la formatrice n’a plus de pratique militante depuis longtemps.
  • La formation de terrain, sans lien direct avec la stratégie syndicale. Le danger consiste à donner de nombreux outils aux militant-es mais sans expliquer l’enjeu et les conséquences.

Une formation de qualité doit pouvoir faire un lien permanent entre les connaissances mises en avant, le contexte de leur utilisation et leur finalité. C’est-à-dire intégrer l’activité syndicale quotidienne dans le cadre d’une véritable stratégie anticapitaliste.

9.2/ Former des travailleurs et des travailleuses libres

Se former par la pratique, au fil de la pratique

L’expression, sous la forme orale et écrite, est dangereusement marginalisée dans les organisations syndicales.
Pendant des décennies, le mouvement syndical a été une véritable école pour les travailleurs et les travailleuses.

Une réunion de section syndicale doit être l’occasion pour un travailleur ou une travailleuse de s’initier à la prise de parole en public.

Écrire un tract ne s’improvise pas, et cela ne doit pas être monopolisé par un-e ou deux militant-es qui vont se faire les porte-paroles permanent-es des syndiqué-es.

Des cours peuvent facilement s’organiser sur la base de jeux de rôle ou de simulations ludiques afin de mettre les syndiqué-es en situation de prendre la parole et donc de gagner en confiance.

Forger notre culture, une culture de classe émancipatrice

L’analphabétisme ne cesse de se renforcer dans la population salariée adulte suite au recul de la pratique de la lecture.
Le rôle d’une UL est aussi de redonner le goût de la lecture, de l’entretenir en démontrant que ce savoir-faire donne accès à ses droits, à des informations et tout simplement à son émancipation culturelle et sociale.
Peu d’UL disposent d’une petite bibliothèque ou d’un service de presse afin d’accueillir les syndiqué-es ou les nouveaux et nouvelles adhérent-es qui se présentent.

La formation des travailleurs et travailleuses : non pas une formation intellectuelle et abstraite, mais une culture construite à partir des luttes et de l’expérience de terrain.
Une culture de classe émancipatrice.


Qui sont les CSR ?

Comités syndicalistes révolutionnaires.
Depuis 1920.

En période révolutionnaire, l’outil syndical apparaît comme le seul capable d’intégrer le prolétariat dans une dynamique révolutionnaire.

Défense du syndicalisme révolutionnaire et gestionnaire, indépendant de l’État, du Patronat, des organisations affinitaires (philosophiques et politiques) ainsi que des Églises.
Le syndicalisme doit assurer l’action revendicative quotidienne tout en préparant la révolution qui est la seule voie pour ne plus subir l’exploitation et la domination capitaliste.

Il doit aussi dès aujourd’hui construire une contre-société gérée par les travailleurs et les travailleuses.

Le syndicalisme-révolutionnaire : une pratique et une théorie bien à lui, qui trouve sa concrétisation dans le Congrès d’Amiens en 1906.

Le syndicalisme révolutionnaire, aujourd’hui minoritaire, continue à vouloir faire entendre sa voix à côté des autres courants syndicaux se revendiquant de la lutte des classes.
La construction du Front Unique avec ces camarades ne doit pas se faire sur une base opportuniste, mais au contraire en développant le débat fraternel sur les questions stratégiques.

Nous nous revendiquons des principes d’autonomie ouvrière de la Première Internationale (« l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes »).
Les organisations prolétariennes doivent être composées d’exploité-es afin d’assurer l’indépendance de la classe.

L’organisation syndicale est un outil de lutte, mais aussi l’embryon de Socialisme permettant aux travailleurs et aux travailleuses de gérer immédiatement et collectivement des espaces socialisés (activités d’entraide, de loisir ouvrier, de formation, de culture autogérée…).

Notre but n’est donc pas de prendre la direction des syndicats par des manœuvres d’appareil. Nous défendons nos propositions au grand jour en renforçant la formation, la capacité de débat d’un maximum de travailleurs et de travailleuses.
Nous voulons contribuer à l’éducation et à l’organisation de notre classe pour défendre nos intérêts communs.

Nous sommes forcés de constater qu’aucune confédération n’offre des pratiques démocratiques satisfaisantes car elles sont influencées par la culture capitaliste ambiante et par un processus de bureaucratisation qui s’alimente des défaites.
Beaucoup de syndicats de base ont également tendance à se replier sur des logiques corporatistes et égoïstes, en se justifiant au passage par de beaux discours.

La responsabilité des militant-es des CSR est donc de favoriser le respect des statuts fédéralistes et de les faire vivre afin de redonner une dynamique interprofessionnelle et d’industrie aux syndicats de base.

Les CSR mènent la bataille des idées au sein des instances syndicales, pour ne pas se satisfaire d’une vision simpliste de dénonciation stérile des bureaucraties syndicales.
La meilleure façon d’isoler les bureaucrates est d’agir avec une stratégie alternative et efficace.

Refuser la division sociale du travail et la délégation de pouvoir, y compris et avant tout dans nos organisations

Ces bureaucraties syndicales vivent de la gestion de l’organisation syndicale et défendent leurs intérêts de classe, ceux de l’encadrement, en refusant donc de mener le combat communiste pour la disparition de la division sociale du travail.
Mais beaucoup de syndiqué-es portent aussi la responsabilité de cette dérive en acceptant la délégation de pouvoir.

Intervention structurée des militant-es syndicalistes révolutionnaires :

  • Développer des outils de solidarité interprofessionnelle (telles les Bourses du travail de la CGT du début du siècle) pour re-syndiquer le secteur privé et les PME en apportant un soutien aux sections syndicales d’entreprises.
  • Réorganiser les syndicats d’entreprises en de véritables syndicats d’industrie selon le modèle historique du syndicalisme de classe.
  • Reconstruire la sociabilité ouvrière grâce à des activités d’entraide socialisées.
  • Coordonner les syndicalistes révolutionnaires en isolant la bureaucratie pour rendre démocratiques nos syndicats en redonnant le contrôle aux adhérent-es.

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