Archives par mot-clé : Classes dominantes

Cultures & Universel

L’ouvrage « Il n’y a pas d’identité culturelle » du philosophe, héléniste et sinologue François Jullien (Ed. L’herne, Coll. Cave canum, 2016, 93 pages) donne à penser la question de l’universel et de la rencontre entre les cultures.

Je reproduis ci-dessous des phrases, nécessairement insuffisantes pour comprendre la pensée de l’auteur, mais qui m’ont marquée à la lecture de cet ouvrage, dont je vous conseille la lecture.

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La société ingouvernable – Une généalogie du libéralisme autoritaire – Grégoire Chamayou

L’ouvrage « La société ingouvernable – Une généalogie du libéralisme autoritaire » de Grégoire Chamayou (éditions La Fabrique, 2018) est frappant car il nous démontre sans ambiguïtés les stratégies des capitalistes pour préserver et développer leurs intérêts.

La gauche est volontiers romantique. Son idéal de justice et de cohésion sociale la met face à une contradiction forte quand il s’agit de rentrer dans une logique de rapport de force (pour forcer autrui) et de stratégies offensives (visant à faire chuter l’ennemi). La gauche autoritaire quant à elle n’a pas ces scrupules pour rester à l’avant-garde (y compris vis-à-vis de ses camarades) tant que c’est pour la Cause, mais ce faisant elle dépouille celle-ci de son essence même… Quoiqu’il en soit, l’ouvrage de Grégoire Chamayou est de ceux qui invitent à prendre très au sérieux la question de la stratégie.

Lorsque j’ai effectué ma recherche aux États-Unis pour tenter de mieux comprendre la logique du community organizing (méthode de lutte étatsunienne que j’ai pratiquée pendant 2 ans, et que je présente et croise avec les logiques d’éducation populaire, qui sont ma tradition d’origine, dans l’ouvrage « Organisons-nous ! Manuel critique », Hors d’atteinte, 2019), j’ai été frappée de voir à quel point « Romantique » est la pire insulte qu’un·e organizer puisse vous adresser. C’est que, notamment aux États-Unis, le capitalisme et le libéralisme font preuve de stratégies à glacer le sang. En réponse, les organisations militantes étatsuniennes tâchent de faire de même (ce qui les mène parfois à des victoires précieuses, et parfois à de toutes petites victoires réformistes sous prétexte de « pragmatisme »).
Je me souviens de cet organizer qui, face à l’enthousiasme lié à l’énorme mobilisation de la Women’s March du 21 janvier 2017, me disait « OK, but, what’s next? », et pointait que cette marche ne changeait absolument rien à la situation concrète et au rapport de force : il s’agissait juste de se réchauffer et de se faire plaisir, s’il n’y avait pas de stratégie concrète derrière pour faire pression et obtenir des victoires.
Eh bien, ce que Grégoire Chamayou dévoile avec brio et clarté dans son ouvrage, ce sont les stratégies du camp capitaliste pour préserver ses intérêts et développer ses profits, face aux contestations et possibles contestations qui auraient pu le fragiliser depuis les années 1970.

Depuis mon retour des États-Unis, j’accompagne des associations, collectifs et syndicats qui le souhaitent dans leurs réflexions sur leurs stratégies. Ce n’est pas que je sois moi-même une stratège d’exception (comme beaucoup de gens, je serais plutôt à ce propos du genre « faites ce que je dis, pas ce que je fais »), mais c’est que cela me semble intéressant, au moins à titre d’exercice, de réfléchir aussi froidement que nos adversaires. Les grilles de lecture stratégiques que je propose à mes interlocuteurices les déstabilisent souvent. Pourtant celles-ci restent bien en-deça de ce que nous devrions faire si nous nous mettions sur la même longueur d’onde que nos ennemis. Sauf que je ne sais pas s’il faut vraiment que nous le fassions, car alors qu’est-ce qui nous différencierait d’elleux ? Mais si on ne le fait pas, va-t-on continuer longtemps à perdre… ?

À ce titre, la conclusion stratégique à laquelle arrive Grégoire Chamayou parle à mon cœur : ce qui fait le plus peur au capitalisme dans sa version néolibérale et autoritaire, ce n’est pas l’État-providence keynésien, mais l’autogestion. Et pour le combattre, c’est donc cette piste qu’il nous faut suivre à nouveau et construire pour de bon : celle de l’autogestion, pour dépasser à la fois le capitalisme et l’État centralisé, pour remplacer la compétition par la coopération et l’autonomie collective et fédérée.

Bref, je vous invite fortement à lire cet ouvrage.
Je relaie ci-dessous une vidéo « fiche de lecture » réalisée par le YouTubeur Arold, et je reproduis quelques courts extraits (nécessairement sortis de leur contexte) qui m’ont particulièrement marquée.

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Césars : «Désormais on se lève et on se barre», par Virginie Despentes

Parce que je n’ai surtout pas envie de perdre la trace de cette tribune de Virgine Despentes publiée le 1er mars 2020 sur le site de Libération suite à la cérémonie des Césars, je la reproduis ici. Bravo et Merci à elle, à Adèle Haenel, à toutes celles et tous ceux qui se lèvent et refusent de se taire.

Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture, vous, les puissants, vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, les exactions de votre police, les césars, votre réforme des retraites. En prime, il vous faut le silence de victimes.

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L’éthique de l’allié·e

L’éthique de l’allié·e

Un article d’Irène Pereira, publié le 30 août 2019 sur le site du Courrier

Qu’est-ce qu’un-e allié·e ? Cette notion est utilisée dans certains milieux militants pour désigner une personne qui ne subit pas directement une oppression, mais qui désire soutenir dans leurs luttes les personnes directement concernées. Il existe toute une réflexion militante autour de la posture de l’allié·e.

Être un ou une allié·e n’est pas une position sociale. On n’est pas allié·e comme on est une femme ou un homme, une personne de milieu populaire ou de classe moyenne supérieure. Être allié·e, c’est un choix éthico-politique. C’est faire le choix, alors que l’on bénéficie de certains privilèges sociaux, de les considérer comme injustes et d’aider à lutter contre les inégalités sociales et/ou les discriminations qui y sont liées.

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La fragilité blanche

La fragilité blanche : pourquoi est-ce si dur de parler aux Blancs de racisme ?

Traduction d’un article de Robin DiAngelo écrit en juin 2015, et publiée sur le site état d’exception.

Robin DiAngelo est une sociologue étatsunienne. Elle a notamment publié «White Fragility: Why It’s So Hard for White People to Talk About Racism» (Pourquoi c’est si dur pour les personnes blanches de parler de racisme).

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Carole Thibault à Avignon : pleurer de rage face à la domination masculine

Au Festival d’Avignon cette année, Carole Thibault, directrice du Centre national dramatique de Montluçon, a refusé le Molière qui lui était remis. Par son discours, elle m’a faite pleurer moi aussi de rage, comme une conne : « J’en ai marre d’être la bouffonne au service de la domination masculine ». Merci.
Voir la vidéo, et lire des extraits retranscrits.

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11 conseils pour être un-e bon-ne allié-e

Je reproduis ici un excellent article écrit par trois membres de l’association Lallab et publié sur leur site. Lallab est un magazine en ligne et une association dont le but est de faire entendre les voix des femmes musulmanes qui sont au cœur d’oppressions racistes et sexistes.


« Quand on présente l’association Lallab, c’est «drôle» mais on ne reçoit pas du tout les mêmes retours ! «On» c’est Sarah, musulmane et Justine, athée, toutes deux cofondatrices de Lallab, réalisatrices de la série documentaire Women SenseTour in Muslim Countries et féministes !
C’est simple, lorsque c’est Justine qui présente l’association on lui dit généralement que «c’est génial ce qu’elle fait», que c’est même «très altruiste de sa part d’aider les femmes musulmanes». Alors que lorsque c’est Sarah on lui rétorque plutôt que «c’est quand même un projet super communautaire, qu’il faudrait aussi parler des discriminations vécues par d’autres femmes». Certain.e.s rajoutent même qu’elle est «trop concernée par le sujet, trop passionnée et qu’elle n’a pas le recul nécessaire pour être très objective». Clairement, dans notre société, la parole d’une femme blanche et athée a plus de poids que celle d’une femme musulmane, même pour parler de son propre vécu.

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Le traitement médiatique du mouvement social : Casseurs et prises d’otage

Reprise d’une excellente analyse par Saïd Bouamama sur son blog de la façon dont les médias produisent une vision dominante opposée à la perspective d’un changement social.

Le traitement médiatique du mouvement social : Casseurs et prises d’otage

Publié le 4 juin 2016 sur https://bouamamas.wordpress.com/

Le mouvement de contestation de la loi El Khomri fait la Une des médias lourds depuis plusieurs semaines. L’inscription dans la durée lui donne une dimension d’analyseur de ces  médias qui plus que jamais apparaissent comme remplissant une fonction sociale précise, celle que Serge Halimi a dénommé « nouveaux chiens de garde[1] » par paraphrase de Paul Nizan[2] qui attribuait cette fonction aux « philosophes » au service des classes dominantes. Sans être exhaustif, l’analyse de trois leitmotivs médiatiques permet d’interroger la production quotidienne d’une vision dominante qui en dépit de son vernis d’objectivité participe des luttes sociales en cours.

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