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Qu’est-ce que la culture « populaire » ?

Stuart Hall (1932-2014, sociologue qui compte parmi les figures centrales des Cultural Studies britanniques) a cherché à déconstruire le terme « populaire ».
Le texte entier est à lire sur le blog du Bougnoulosophe.

En lire des extraits choisis, l’idée étant de vous donner envie de lire le texte en entier…

Extraits choisis

Ces extraits sont nécessairement sortis de leur contexte du fait qu’ils sont extraits de leur texte initial. Je ne peux que conseiller la lecture du texte initial.


 

Stuart Hall identifie trois définitions du « populaire ».

La première : les choses sont dites « populaires » parce que des masses de gens les écoutent, les achètent, les lisent, les consomment et semblent en retirer un grand plaisir. Dans cette définition, le « populaire » est associé assez justement à la manipulation et à la dépréciation de la culture du peuple.
Selon Stuart Hall, cette définition revient à considérer les individus comme des sortes d' »idiots culturels », incapables de dire que ce dont on les gave est une forme actualisée d’opium du peuple. Souvent, cette définition oppose à cette vision celle de l’existence d’une « véritable » classe ouvrière, qui, elle, ne se laisserait pas tromper par des ersatz commerciaux, et défendrait une authentique « culture populaire ». Mais cela revient à analyser la réalité selon des critères extrêmes, selon lesquels on serait soit dans la pure « autonomie », soit dans le total enfermement. Cette polarisation n’existe pas : selon Stuart Hall, il n’existe pas de culture populaire authentique et autonome échappant au champ de domination et de pouvoir culturels.
La culture dominante mène une lutte continue et nécessairement inégale pour désorganiser et réorganiser la culture populaire, pour réduire et confiner ses définitions et ses formes à une large palette de formes dominantes. Il y a des points de résistance et des moments de substitution : c’est la dialectique de la lutte culturelle.
Selon Stuart Hall, il faut donc absolument éviter de penser les formes culturelles comme un tout cohérent, soit totalement corrompues, soit totalement authentiques : elles sont en réalité profondément contradictoires.

La deuxième définition voudrait que la culture populaire, ce soient toutes les choses que « le peuple » fait ou a faites.
Cette définition nécessiterait tout d’abord de savoir ce que désigne le « peuple ». Ce qui n’est pas évident quand on se souvient que Mme Thatcher disait : « Nous devons limiter le pouvoir des syndicats parce que c’est ce que le peuple souhaite ».
Ensuite, elle pose comme immuable ce qui est populaire ou ce qui ne l’est pas. Or, d’une période à l’autre, on observe que les choses changent : certaines formes populaires voient leur valeur culturelle augmenter et grimpent l’ascenseur culturel et finissent par se retrouver de l’autre côté. D’autre perdent leur haute valeur culturelle et son appropriées par le populaire, tout en se transformant au cours du processus.
La différence entre ce qui est populaire et ce qui ne l’est pas serait à chercher plutôt du côté des processus insitutionnels qui marquent la différence entre ces deux catégories, au premier rang desquels on trouvera l’école. En effet, l’école distingue fortement la part valorisée de la culture.

La troisième définition est celle que Stuart Hall défend.
Elle consiste à identifier, pour une période donnée, les formes et les activités qui ont leurs racines dans les conditions sociales et matérielles des classes particulières, et qui sont incarnées dans les traditions et les pratiques populaires.
Selon cette définition, l’essentiel, c’est la tension continue (de corrélation, d’influence et d’antagonisme) qui relie culture dominante et « culture populaire ». Ce qui compte alors, ce ne sont pas les objets culturels intrinsèquement ou historiquement figés, mais l’état du jeu des relations culturelles – ou, pour le dire plus simplement, voire de manière simpliste, la lutte de classe dans et pour la culture. Le signe ou la forme culturelle ne portent en eux-mêmes aucune garantie : le roman est-il une forme « bourgeoise » ? La réponse ne peut être qu’historique et provisoire : quand ? quels romans ? pour quels lecteurs ? et dans quelles conditions ?

En conclusion, Stuart Hall défend que la culture populaire est l’un des lieux où la lutte pour et contre la culture du puissant est engagée ; c’est aussi l’enjeu de cette lutte. C’est l’arène du consentement et de la résistance.

2 réflexions sur « Qu’est-ce que la culture « populaire » ? »

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